L’Utopie et le Plan pour y arriver (partie 2)

Dans le précédent article sur une relecture de « Plans de Réalisation de la Société Future » j’avais évoqué la première partie de cet essai sur une Utopie socialiste.

Le plan proposé se voulait « réformiste » (adepte de la méthode de la pénétration et critique des anarchistes…) , « collectiviste » (car socialiste dans ses propositions) et plutôt « autoritaire » ou en tout cas très respectueux de l’Ordre et de la Loi (conscient des défauts de tous les êtres humains et notamment de ceux de son époque)

Quelques propositions étaient faites :

– Collectiviser » les moyens de production mais aussi municipalisation et monopolisation des moyens de transports et d’échanges

– Réduire le temps de travail progressivement

– Offrir une Allocation aux femmes enceintes puis à leurs enfants jusqu’à leurs autonomies…

 

Voici à présent la Seconde Partie :

ORGANISATION RATIONNELLE 

 

1) Action Régénératrice

« Cette oeuvre ne peut être ni celle d’un jour, ni celle de quelques hommes, mais l’oeuvre d’une longue, lente et approprié préparation »

Pour cela il faut donc un parti régénérateur, essentiellement éducateur et organisateur, menant la lutte à la fois sur le terrain politique et sur le terrain économique. 

Un parti qui se veut : républicain, libre penseur, socialiste, collectiviste

 

2) Instruction et Education 

Pour l’auteur l’instruction et l’éducation sont nécessaires à la perfection de l’homme qui ainsi s’éloigne des ténèbres des religions :

« Le monopole de l’enseignement laique s’impose » quit à refuser la liberté de l’enseignement.

Une liberté que l’on ne peut pas laisser à l’église catholique celle ci restant un ennemi obscurantiste de la république laique. L’auteur est également méfiant de ceux qui, parmi les libertaires, pourraient créer des écoles anti patriotiques…

Après avoir fait le tour du contenu idéal et conscient que la famille et notamment la « Mère » ne peut pas s’occuper sans cesse de ces enfants en dehors de l’école (et qu’il existe des orphelins…)
l’auteur propose des lieux (appelés patronages laiques) où on s’occuperait des enfants (jusqu’à 21 ans)

« Divertir la jeunesse, l’interesser et la surveiller, doit etre le complément nécessaire à l’instruction intellectuelle et professionnelle »

« Ce que nous dépenserons pour le budget de l’éducation sera en moins à dépenser pour celui de la justice »

 

3) Liberté, Egalité, Fraternité

Liberté ?

« quand je suis le plus faible, je vous demande la liberté (…) mais quand je suis le plus fort je vous l’ote (…) »

« En un mot dans l’opposition on réclame la liberté, arrivé au pouvoir, on fait tout ce que l’on peut pour la retirer »

Pour l’auteur « la liberté individuelle doit être subordonné à la liberté générale, c’est à dire aux lois… » mais dans le même temps la liberté de parole, la liberté de se réunir (…) doivent être totale afin que tous puisse s’exprimer. Cette liberté allant jusqu’à la liberté de « placarder » librement son opinion (droit d’affichage)

 

Egalité ?

Pour l’auteur la transmission des capitaux (héritage) devra être aboli comme a été aboli l’hérédité des honneurs et des fonctions pendant la Révolution (abolition des privilèges) : « La Révolution sociale (…) devra supprimer la dette perpétuelle et ne maintenir et accepter que des dettes viagères » 

 

Fraternité ?

La solidarité qui est encore à l’état embryonnaire (…) aboutira à la Fraternité.

Mais ce sentiment ne s’impose pas… Le germe est là, inspirant de nombreuses initiatives (mutualistes, syndicalistes, coopérateurs, pacifistes …) et politiques socialistes… mais la Fraternité ne sera que l’aboutissement….

 

4) France et République

Pour l’auteur la guerre (en 1912) est suspendue sur nos têtes ainsi qu’une épée de Damoclès

A la veille de la guerre, ce ne sont pas aux socialistes français de devenir antimilitariste (en parlant de désarmement) mais aux socialistes allemands.

En clair le socialiste doit être Pacifiste « internationalement » (arbitrage internationale, campagne pour le désarmement générale simultané…) mais absolument rester Patriote (répondre à l’ordre d’appel de la mobilisation) en cas de déclaration de guerre afin de se défendre contre l’agresseur.

L’auteur préconise même que les civils fassent pression sur le gouvernement pour que la guerre soit spécifiquement défensive et qu’en aucun cas nos armées ne procédent à l’invasion d’une nation étrangère.

 

Après avoir évoqué une question qui tourmente donc les socialistes de l’époque (quelle pacifisme face à la guerre ?) l’auteur revient sur les questions de Démocratie et Droits de vote :

« Nul ne doit se désinteresser de la chose publique, le vote doit être obligatoire… »

« il faut universaliser le suffrage universel en l’étendant aux citoyennes… » 

Commençant par un vibrant :

« La république doit transformer la démocratie en sociocratie, elle doit etre le piedestral sur lequel s’élevera cette belle et grande institution qui sera le socialisme et dont l’auréole dans un lointain avenir sera formée par le communisme libertaire »

l’auteur met en garde les révolutionnaires et certains syndicalistes (la CGT est souvent cité) qui s’attaquent beaucoup trop à la République en oubliant que si celle ci s’écroulait les libertés acquises récemment seraient abolis par la droite de l’époque…

« Etant données les forces sociales actuellement en présence, la Démocratie ne résoudra les difficultés qui se dressent devant elle que par une action méthodique, patiene, faite surtout d’équilibre et de mesure. La République doit être essentiellement réformatrice et démocratique… » 

Dans ce même chapitre l’auteur brosse des propositions pour modifier la constitution prenant garde à ne pas brusquer certaines équilibres existant… Ainsi par exemple l’auteur propose 4 degrès d’élection : conseiller muncipal, conseil général, député et sénateur… un élu ne pouvant l’être qu’après avoir déjà été élu au degrès précédent. « c’est après avoir rempli un mandat de 4 années qu’ils seraient éligibles au conseil général, de même pour la Chambre ou le Sénat »

 

5) Les Colonies

Favorable à la colonisation on peut résumer sa pensée ainsi :

Colonisons dans un but humanitaire et aussi par nécessité économique, mais n’oublions pas que ces nouveaux fils de la patrie devront être libres, lorsqu’ils seront majeurs, et conserver pour eux le patrimoine que leurs aieux auront préparé 

 

6) la Justice

Pour l’auteur la justice actuelle est trop douce, il propose quelques améliorations mais s’attache surtout à décrire une société trop décadente…

 

7) Réformes Sociales

Toujours et encore l’auteur défend le réformisme

De réforme en réforme, la réforme totale s’accomplira, la Révolution, c’est à dire la transformation des modalités politiques et économiques actuelles s’opérera dans la paix sociale

Pour l’auteur chacun doit accompagner ces réformes par quadruple action : politique, syndicale, coopérative et mutualiste

Cette quadruple action revient et reviendra plusieurs fois dans cet essai.

Il dresse ainsi une longue liste de réformes pouvant s’appliquer rapidement et qu’il avait évoqué précédemment : allocation pour les mères et leurs enfants, réforme sur l’instruction et l’apprentissage, organisation et droit au travail, réduction progressive du temps de travail, (…)

De nombreuses réformes socialistes qui pour la plupart seront finalement réalisée par les différents gouvernements qui suivront…

 

8) Ressources Financières

L’auteur fait une liste des réformes fiscales nécessaires pour réaliser les réformes sociales…

Impot progressif, droits sur les opérations de bourses et de banques, taxes sur les alcools, les jeux, les objets de luxe (…) suppression progressif des héritages, …

Il rappele qu’il faut nationaliser et municipaliser les moyens de production et d’échange (avec une juste indemnité) et il cite ainsi de nombreux exemples où des essais de mise en régie direct par les municipalités (eau, gaz, électricité, …) ont été des succès.

 

9) Socialisme et Syndicalisme Rose

L’auteur critique le socialisme et syndicalisme rouge (divisé entre réformistes et révolutionnaires) et tout particulièrement le lien entre CGT et SFIO considérant que le parti subit les diktats du syndicat…

Il critique une stratégie qui essaye de contenter tout le monde pour ne pas rompre avec l’unité et qui maintient une confusion entre Anarchisme et Socialisme.

Aux « Rouges » il oppose donc les « Roses » : une stratégie de la pénétration plutôt que de l’opposition

Et afin d’appuyer cette méthode réformiste il rappele que cela fut la méthode des chrétiens comme des bourgeois.

Il décrit un syndicalisme réformateur mais aussi des coopératives qui par l’exemple développeront le socialisme concrètement sur le terrain.

Pour lui les coopératives permettront aux travailleurs d’être plus autonomes à condition qu’ils soient plus disciplinés et méthodiques.

En clair Les Coopératives doivent permetter aux travailleurs de s’associer

Les syndicats d’organiser le travail, de s’occuper des grèves et du chomage (…)

A la Mutualité celle d’organiser l’atténuation des périls et risques de la vie : hygiène, enfance, maladie, vieillesse

(L’occasion pour l’auteur de proposer quelques réformes sur la Santé dans un paragraphe consacré aux Mutuelles…)

 

Ainsi Paragraphe après Paragraphe on lit plus clairement le projet réformiste proposé :

– Un Parti Socialiste qui éduque et essaye d’obtenir le pouvoir tout en restant en lien avec coopératives, syndicats et mutuelles

– Des coopératives qui associent les travailleurs

– Des syndicats qui organisent le travail (droits, grève, …)

– Des Mutuelles qui s’occupent des « coups durs » (maladie, hygiène, …)

Comme si la SFIO « idéalisé » était composé de 4 sections autonomes mais se coordonnant : Politique, Coopérative, Syndicalisme et Mutuelle

Une méthode que le SFIO comme le PCF emploieront finalement l’un comme l’autre les années qui suivirent ?

 

Prochain partie : 

PERIODE REALISATION