Chronique de la montée du socialisme

Il y a un peu plus d’un siècle, comme l’écologie, le socialisme fut une idée nouvelle… Socialisme Utopique (St Simon…) ,  Socialisme Marxiste , Anarchisme, tout au long du 19ème siècle les prémisses du socialisme annoncèrent la naissance d’une nouvelle idéologie politique…
J’avais déjà osé comparé dans un précédent article naissance de la SFIO et naissance de l’écologie et je garde encore cette comparaison en mémoire d’autant plus que les socialistes restèrent finalement bien plus divisés en ces temps là…
On poussait cette comparaison sur bien des points et pourquoi pas sur son émergence « politique »… dans les urnes…
Si l’on reprend les élections législatives de 1881 à 1936 on peut se faire une idée sur la montée progressive des radicaux, puis du socialisme et l’apparition du communisme en France…Quelques années après la naissance de la 3ème république, et l’expérience de la Commune :

Aux élections de 1881 une « nouvelle force » voit le jour au sein de la Majorité des Républicains :
« Socialistes et radicaux-socialistes » réalisant 08,44 % des sièges

Fichier:France Chambre des deputes 1881.png

Aux élections législatives qui suivront (1885) la montée en puissance de cette force est confirmée
alors que « la droite » reprend des couleurs alors que la majorité « Républicains » mute

Radicaux réalisent 6,85%
Radicaux Socialistes 10,27%

Fichier:France Chambre des deputes 1885.png

1889 : La Majorité s’effrite de plus en plus

Républicains socialistes et radicaux réalisent 02,08 % des sièges
alors que les « Radicaux » font une poussée (17,36 %  des sièges)

Fichier:France Chambre des deputes 1889.png

1883 :
Les Socialistes apparaissent en tant que telle « à côté » de la majorité des Républicains composés des Républicains modérés (54,56 %) , des Radicaux (21,00 %) et des Radicaux socialistes (02,75 %)
Les Socialistes réalisent 5,68% des sièges

On le voit nettement parallèlement à l’apparition des socialistes on observe une montée en puissance des « Radicaux » passant de 08,44 % en 1881 à un cumul de 17% (Radicaux + Radicaux Socialistes) en 1885 puis plus de 17% puis 21% pour les seuls radicaux…

Cette force apparait à la « gauche » des républicains  comme le fera très vite ensuite les socialistes…

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1898 :

Ce sont les Radicaux Socialistes et les Socialistes qui progressent

Les Socialistes obtiennent 09,74 % (pendant que les Radicaux socialistes passent à 12,65 % et les Radicaux à 17,78 %)
Pendant que le socialisme semble progresser le cumul « Radicaux Socialistes »+ »Radicaux » ne manque pas de progresser lui aussi

Fichier:France Chambre des deputes 1898.png

1902 est marqué par l’affaire Dreyfus

Les républicains progressistes se divisent sur l’anticléricalisme du gouvernement Waldeck-Rousseau, et le parti radical apparaît en tant que force politique organisée.

On voit apparaitre alors 3 « Blocs » :

– Blocs des Gauches : Radicaux (21,9%) , Radicaux-socialistes (17,66 %) tout les 2 toujours en nette progression
et Les Républicains de gauche (les républicains s’étant divisé entre « droite » et « gauche » ) (il est à noter qu’ils sont rapidement des sortes de « centriste » 😉 )

– La Droite : dominé par les « Républicains progressistes » (21,5%) associé aux conservateurs et aux libéraux

– Les socialistes : Parti socialiste français (05,26 %) et Parti socialiste de France (02,04 %)

Il faut noter que les socialistes se sont retirés du Bloc des gauches en 1904 suite au congrès de l’Internationale socialiste d’Amsterdam.

Dans ce contexte particulier les socialistes semblent légèrement en « regression » , ou en tout cas stagnent et semblent « divisés »

Il est certainement interessant de revenir un peu sur ces 2 « partis » :

> Parti Socialiste Français :
Le Parti socialiste français est fondé en 1902 à Tours par fusion des socialistes indépendants dont fait partie Jean Jaurès, de la Fédération des travailleurs socialistes de France (FTSF) de Paul Brousse et du Parti ouvrier socialiste révolutionnaire (POSR) de Jean Allemane

Nous avons là une première étape de l’union des socialistes.

Le socialisme indépendant sert de lien entre le socialisme et le radical-socialisme.

FTSF : après l’échec électoral de 1881, la majorité des militants opte pour le réformisme social avec Paul Brousse. En 1882 les marxistes guidés par Jules Guesde quittent la FTSF pour fonder le Parti ouvrier français

Le Parti ouvrier socialiste révolutionnaire se crée lors de la scission en 1890 de la Fédération Socialiste de France et est mené par Jean Allemane. Il se distingue des autres partis socialistes par l’intérêt qu’il porte à l’action syndicale mené par la grève générale et l’antimilitarisme

On le voit beaucoup de divisions voir de scissions… Puis des « rassemblements »

> Parti Socialiste de France

Le Parti socialiste de France est créé en 1902 par fusion du Parti ouvrier français (POF), « marxiste », de Jules Guesde, du Parti socialiste révolutionnaire (PSR), « blanquiste », d’Édouard Vaillant, et de l’Alliance communiste révolutionnaire, lors du congrès de Commentry.

A partir de plusieurs « tendances » : les unes plus réformistes… les autres plus révolutionnaires (et communistes ?) on voit apparaitre dès 1902, 2 Partis Socialistes (voir sur wikipedia pour les détails via l’article consacré à la SFIO ) : 5 « tendances » puis 2 partis puis unité…

1906 :
Entre temps les socialistes ont réussi leur union… La SFIO est fondé en 1905… cependant cette union est fragile et les socialistes réformistes et révolutionnaires s’opposent régulièrement sur certaines questions…

La SFIO fait 09,23 % (et les socialistes indépendants 03,42 % )

(quelques socialistes indépendants qui ne veulent pas adhérer à la SFIO se regroupent dans le petit Parti socialiste indépendant (congrès de Lyon en avril 1907) qui deviendra Parti républicain-socialiste (ils se situent entre la SFIO et les Radicaux Socialistes)

La Majorité est composé de son côté des Radicaux Socialistes (22,56 %) , des Radicaux Indépendants (19,6) et des Républicains de gauche (15,3)
On voit s’établir un équilibre entre 3 forces  composant une « majorité » mais cette équilibre est fragile car certaines composantes se situent de plus en plus vers le « centrisme »

Fichier:France Chambre des deputes 1906.png

1910 :

Les socialistes poursuivent leur progression…
SFIO : 12,71 %
(et socialistes indépendants : 05,42 % )

En quelques années les socialistes sont donc passés de 5,68% (en 1883) à 9,74 % (en 1898)  puis à un cumul de 7% en 1902 (2 partis)
pour passer à 9,23 pour la SFIO nouvellement crée puis 12,71% (soit plus de 18% en cumul « socialiste)

De son côté la Majorité de Gauche est composé des Radicaux (Parti républicain, radical et radical-socialiste ) qui réalise 25% , des républicains de gauche toujours autour des 19% et de l’union républicaine autour des 12%

Les Radicaux principale force doivent jouer avec ses alliés qui se rapprochent de plus en plus du centrisme tandis que sur sa gauche les socialistes progressent

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1914 : Union Sacré

La 1er Guerre Mondiale chamboulera tout…

Et les Radicaux et les Socialistes deviennent les 2 premières formations du parlement

La SFIO obtient pratiquemment 17% (tandis que les républicains socialistes, ex socialistes indépendants font pratiquemment 4% )
tandis que les radicaux font pratiquemment 33%

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** 1919 **

La sortie de la guerre chamboule donc tout… Puisque la Droite s’allie pour la première fois avec le centre…

La SFIO obtient 11% des sièges , les républicains socialistes autour des 4% (le cumul « socialiste » passe donc de plus de 21% à 15%
Les Radicaux passent de 33% à 14% des sièges (soit finalement moins que le « cumul socialiste)

En nombre de voix les pourcentages étaient les suivants : 21% pour la SFIO et 17% pour les Radicaux

En Novembre 1919 , Pour la première fois de toute la Troisième République, la majorité politique bascule à droite, suite à la victoire de l’alliance des forces centristes et conservatrices au sein de la formation dite du « Bloc national », formé à l’initiative de l’Alliance démocratique

Le basculement de l’ancien « centre gauche » vers le centre puis la droite finit donc bien par aboutir à un groupe de centre droit et un groupe de droite…

De leur côté, les socialistes de la SFIO après le Congrès de Tours de 1920 se divisent en deux. Cinquante-trois députés demeurent socialistes, 15 autres passent à laSection française de l’Internationale communiste (SFIC).

Le Parti Communiste Français nait donc de son côté dans ce contexte…

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Les Socialistes divisés… La Naissance du PCF

Discrédité par la guerre mais aussi par son attitude vis à vis des grèves la SFIO se divise…

En décembre 1920, au Congrès de Tours, la question de l’adhésion à l’Internationale communiste divise la SFIO et les oppositions divers sont nombreuses…
Malgré ces oppositions, l’adhésion à la IIIe Internationale ouvrière est obtenue par 3028 voix contre 1022, et 327 absentions. La SFIO se divise en deux, les majoritaires créent un nouveau parti : la SFIC (Section française de l’Internationale communiste) que l’on appellera plus tard le Parti communiste, puis PCF.

La SFIC regroupe en 1921 la majorité des adhérents de l’ex-SFIO unifiée. Mais des luttes internes entraînent des départs, puis la stalinisation du parti s’accompagne de vagues d’exclusions, et de la formation de mouvements communistes dissidents. Ceci entraîne une chute très importante du nombre des adhérents (109 000 en 1921 ; 28 000 en 1933).

De son côté, la nouvelle SFIO n’est pas un parti important du point de vue de ses adhérents (55 000 en 1923), mais ils ont un réel poids électoral avec 101 députés aux élections de 1924

** Élections législatives françaises de 1924 **

Pour la 1er fois les Socialistes vont faire parti de la majorité. Ces élections portent au pouvoir l’alliance dite du « Cartel des gauches »

Les Socialistes (SFIO) obtiennent 17,9% des sièges (mais 20% des voix)
Les Radicaux 24% , et leurs alliés autour des 7% chacun… (mais 17% des voix)

De leur côté les Communistes obtiennent tout de même 4,5% des sièges (mais 9,8% des voix)

Le Cartel des gauches associe 4 groupes :
les Radicaux indépendants (frange de droite des radicaux),
les radicaux-socialistes, unifiés désormais,
les républicains-socialistes, des socialistes indépendants
et la SFIO

Finalement la scission intervenue à l’issue du Congrès de Tours permet à la SFIO de se tourner vers une nouvelle alliance avec les radicaux. De leur côté les radicaux sont conscients de la nécessité de cette alliance…
Toutefois il faut noter que la SFIO reste divisé de son côté (dissidents, proches des communistes…) et que de leurs côtés certains radicaux méfiants envers les socialistes préfèrent rester proche avec le centre (pourtant allié de la droite)

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L’alliance ne dure qu’un temps…

Élections législatives françaises de 1928

Lors de ces élections, la droite, allié au centre-droit et au centre-gauche, remporte la majorité des sièges mis en jeu

La SFIO obtient 16,50 % des sièges soit une légère regression… (pour 18% des voix)
Ses anciens alliés regressent également et notamment les Radicaux qui obtiennent seulement 20,63 % (pour pratiquement 18% des voix)

De leur côté les communistes font seulement 1,98 % des sièges (mais 11% des voix)

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** Élections législatives françaises de 1932. **

La majorité électorale est dite « second Cartel des gauches », mais puisque les socialistes refusent d’entrer au gouvernement, les radicaux sont obligés de gouverner avec les « modérés » de l’assemblée

SFIO progresse à nouveau et obtient 20,5%

Les Radicaux obtiennent de leurs côtés 19 % et leurs alliés Parti socialiste français et Parti républicain-socialiste et Gauche indépendante moins de 5% chacun…

De leur côté les communistes obtiennent  un cumul de 8%

On peut d’ailleurs noter au passage de cette « Gauche Indépendante » est composé de multiples partis , ainsi la multiplication des partis et groupuscules n’est pas propre à nos partis actuels…
Ils sont notamment issus de multiples « clubs » tous très différents voir « petites scissions » naviguant entre communistes, socialistes et radicaux…

De son côté les Parti socialiste français et Parti républicain-socialiste peuvent être considérés comme les « héritiers » de la droite de la SFIO, lien entre socialistes et radicaux…

Une fois de plus le « Cartel de Gauche » est composé principalement des Socialistes (SFIO) et des Radicaux

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** Élections législatives françaises de 1936. **

Le Front Populaire

Après les 2 précédentes tentatives de Cartels de Gauche autour des pivots Radicaux et SFIO et leurs alliés, vient le Front Populaire

Coalition comprenant la SFIO, le Parti radical, plusieurs petits partis et organisations politiques de gauche et, pour la première fois, le Parti communiste.

Et pour la 1er fois : la SFIO y est le parti le plus important, aussi bien en voix qu’en sièges, ce qui permet l’investiture du premier gouvernement français dirigé par un socialiste, Léon Blum

La SFIO réalise 24,43 % des sièges (pour 20% des voix) passant devant les Radicaux à 18% des sièges (14,5% des voix)

Et la 3ème force de cette coalition mais également de l’assemblée devient donc le Parti Communiste avec 11,80 % (qui passe devant les radicaux en voix avec 15,2% des voix)

On retrouve bien entendu avec eux les mêmes précédents alliés des Cartels de Gauche

En 4 ans donc le Parti Communiste passe du statut de parti d’extreme gauche au parti de coalition de gauche avec plus de 10% pendant que dans le même temps la SFIO parti central de cette coalition devient le pivot du Front Populaire…

(Il faut d’ailleurs noter que les résultats présentés depuis le début en % sont les pourcentages en sièges… en effet les pourcentages en voix sont les suivants : )

On peut revenir quelques instants en arrière pour voir l’évolution de ces pourcentages depuis quelques années (de 1919 à 1936) :

SFIO : 21,22 %            / 20,10 % / 18,05 % / 20,51 % / 19,86%

Radicaux :  17,43 % /  17,86 % / 17,77 % / 19,18 / 14,45%

PCF :  *********** / 9,82 %    / 11,26 % / 8,3% / 15,26%